En 1993, la tension est à son comble au Rwanda. Le pays est à la veille de basculer, l’année suivante, dans un atroce génocide qui déchirera le pays, non sans répercussions sur les pays voisins. Cette explosion de violence marque le point culminant d’années de tensions et de conflit intermittent entre deux des principaux groupes ethniques du Rwanda, les Hutus et les Tutsis. Avant d’accéder à l’indépendance de la Belgique en 1962, le pays avait été dirigé pendant de nombreuses années par une monarchie tutsie. Une révolte menée par les Hutus, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, a abouti à l’abolition de la monarchie, remplacée par un gouvernement dominé par les Hutus, qui a conservé le pouvoir pendant plusieurs décennies. Le Front patriotique rwandais (FPR), un groupe dissident, commence à prendre forme à la fin des années 1970, parmi des Tutsis exilés en Ouganda. En 1990, il lance une offensive contre le gouvernement rwandais, déclenchant une guerre civile qui durera jusqu’à la moitié de l’année 1994. Le gouvernement conclut un accord de cessez-le-feu avec le FPR en juillet 1992, mais à la fin de janvier 1993, les violences politiques et interethniques reprennent de l’ampleur. En février, les forces du FPR dans le nord attaquent les forces gouvernementales sur la ligne de cessez-le-feu et parviennent à moins de 25 kilomètres de la capitale. Les civils fuient les combats par centaines de milliers, portant à près d’un million le nombre de personnes déplacées dans le pays. Un nouveau cessez-le-feu est conclu en mars, et l’Accord de paix d’Arusha, censé mettre un terme à la guerre civile, est signé au début du mois d’août. Toutefois, la mise en œuvre de l’accord connaît des retards et se heurte à des oppositions ; la guerre civile se prolonge jusqu’en 1994. Le génocide rwandais constitue l’acte final de ce conflit. Cette vague de violences, qui durera une centaine de jours, du début du mois d’avril au début du mois de juillet 1994, fait plus de 500 000 morts, en majorité des membres de la minorité tutsie.
En 1993, l’année du décès d’Antoine, le CICR répond dans l’urgence à l’explosion du nombre de personnes déplacées par les violences du mois de février. L’organisation renforce son programme d’aide alimentaire en coopération avec la Croix-Rouge rwandaise et coordonne son action avec la Croix-Rouge de Belgique pour développer ses opérations de secours non alimentaires. Les pénuries de produits alimentaires perdurent tout au long de l’année à cause de divers problèmes de distribution et de l’afflux de réfugiés. Sur une note positive, à la fin du mois de septembre, près des deux tiers des personnes déplacées ont pu regagner leur foyer. Le conflit a aussi pour conséquence des besoins médicaux massifs, que les équipes du CICR contribuent à satisfaire en évacuant les blessés vers les hôpitaux locaux, en fournissant du matériel médical et des médicaments et en apportant un soutien en matière de soins chirurgicaux. Avec la Croix-Rouge de Belgique, l’organisation met sur pied deux dispensaires mobiles temporaires dans lesquels les personnes déplacées peuvent bénéficier de soins de santé de base, en attendant que les établissements médicaux locaux soient à nouveau en état de fonctionner. Les délégués du CICR s’emploient aussi à faire en sorte que les réfugiés au Rwanda, de même que les personnes déplacées dans les camps de part et d’autre de la ligne de front, puissent rétablir le contact avec leurs familles.