Nous nous souvenons de Saidi Kayiranga
Saïdi Kayiranga voit le jour le 5 août 1976 au Rwanda. À 14 ans, il rentre à l’École secondaire scientifique islamique de Nyamirambo, où il obtient un diplôme d’études supérieures en mathématiques et en physique. Nous sommes en 1996. Les trois années qui suivent, il enseigne au Centre de formation professionnelle de Gacuriro, à Kigali, la capitale rwandaise. En janvier 2000, se sentant naître une vocation pour les professions médicales, il s’inscrit à l’Institut de santé de Kigali, d’où il ressort, quatre ans plus tard, avec en poche un diplôme de technicien supérieur en imagerie médicale.
Il est rapidement embauché comme radiologue dans deux hôpitaux de district du nord de Kigali, où il travaillera pendant deux ans. En septembre 2006, Saïdi décroche un nouvel emploi dans l’unité de radiologie de l’hôpital King Faisal de Kigali. Il y exercera pendant sept ans et en deviendra même le responsable. En parallèle à ses activités professionnelles, animé par une soif d’apprendre sans limite, il ne cessera de se former dans différents domaines, obtenant, dans le désordre, une licence en sciences sociales de l’Université indépendante de Kigali, un baccalauréat en échographie médicale diagnostique de l’Ernest Cook Ultrasound Research and Education Institute de Kampala, en Ouganda, et une maîtrise en santé publique de l’Université de Roehampton, au Royaume-Uni. Saïdi est aussi polyglotte : il parle couramment l’anglais, le français, le kinyarwanda, le kirundi et le swahili. En 2013, il quitte le Rwanda et s’installe au Burundi voisin, où il dirigera pour un temps l’unité de radiologie de la clinique des Nations Unies de Bujumbura. Il retourne à Kigali quatre ans plus tard, après avoir été nommé au poste de radiologue-chef d’un grand établissement de soins privé de la capitale.
En 2018, Saïdi postule au CICR, qui s’empresse de l’engager et l’envoie pour une première mission de six mois à sa sous-délégation de Kandahar, en Afghanistan, comme technicien en radiologie. Il y a pour tâches principales d’évaluer les protocoles de radioprotection en vigueur à l’hôpital Mirwais, de former les techniciens de l’unité de radiologie de l’établissement, et de promouvoir la qualité et la sécurité des soins qui y sont dispensés. Les participants aux séances de formation hebdomadaires qu’il anime s’accordent vite à reconnaître son professionnalisme et sa passion débordante de transmettre les connaissances qu’il a acquises au cours de ses années d’expérience dans le domaine. Attentionné, prévenant et toujours à l’écoute des autres, il ne tarde pas à tisser des liens privilégiés avec les membres de l’équipe de radiologie de l’hôpital.
En juin 2019, pour sa deuxième affectation, Saïdi part à Juba, au Soudan du Sud. Sur place, il s’occupe d’évaluer les procédures de radioprotection en vigueur dans les départements de radiologie de deux établissements soutenus par le CICR, l’hôpital militaire de Juba et l’hôpital de Ganyliel. Il y organise aussi des formations à l’intention des employés des unités de radiologie. Comme en Afghanistan, Saïdi s’acquitte de ces tâches avec beaucoup de motivation et d’enthousiasme, habité par ce désir de transmettre l’amour de son métier qui ne le quittera plus. Début 2020, il est rappelé à Kandahar pour six mois, avant d’être envoyé au Yémen pour une courte mission.
Il arrive à Sanaa, la capitale yéménite, dans le courant du mois d’octobre, avec pour tâche de moderniser les départements de radiologie de deux établissements soutenus par le CICR, l’hôpital rural de Bajil et l’hôpital d’Al-Talh. Il doit notamment y encadrer l’installation de nouveaux appareils de radiographie qui répondent aux normes édictées par l’Organisation mondiale de la Santé en matière de radioprotection. Dans cet exercice, le savoir-faire et l’expertise de Saïdi se révèlent une fois de plus inestimables. Mais au-delà de ses compétences techniques indiscutables, c’est sa soif de partager son savoir avec les radiologues locaux dans l’intention d’améliorer la prise en charge des patients qui force le respect. Au point que le directeur d’un des deux établissements, ébloui par son talent et son enthousiasme, lui demande de prolonger son séjour.
Sa mission terminée, Saïdi n’a toutefois qu’une idée en tête : retourner chez lui, au Rwanda, et passer du temps avec son épouse et ses deux petites filles, qu’il n’a pas vues depuis longtemps et qui lui manquent tant. La deuxième, il ne la connaît même pas encore, car il n’a pas pu assister à sa naissance, en raison des restrictions liées au Covid-19. C’est dire la hâte qu’il a de retourner à la maison et de se retrouver aux côtés de ce petit monde qui, outre la passion qu’il voue à son travail, est ce qui lui tient le plus à cœur dans la vie.
Mais le 30 décembre 2020, alors qu’il s’apprête à prendre son avion à l’aéroport d’Aden en compagnie d’une dizaine de collègues du CICR, la zone de transit où ils attendent est soudainement secouée par de violentes explosions. Saïdi et deux autres employés du CICR, Ahmed Wazir et Hamid al-Qadam, sont tués dans l’attentat, tandis que trois autres collègues s’en tirent avec des blessures. Au total, une trentaine de civils perdent la vie et une centaine d’autres sont blessés. Saïdi avait 44 ans.
Sa vie durant, Saïdi n’a cessé de se surpasser. Sa soif d’apprendre et son ardeur au travail ne l’empêchaient toutefois jamais de trouver du temps à consacrer aux autres. Il était généreux de ses connaissances et de son expérience, dont il faisait profiter sans compter ses collègues radiologues, dans le souci permanent de les faire progresser dans leur métier et, indirectement, d’améliorer le bien-être des patients. « Saïdi a rejoint notre équipe en tant que technicien en radiologie, mais il était aussi et avant tout un humanitaire dans l’âme », dira en se souvenant de lui une de ses collègues au Yémen.
Le CICR en
Yemen, 2020
En 2020, lorsque Saïdi arrive au Yémen, la guerre civile qui déchire le pays depuis 2014, impliquant notamment rebelles Houthis, forces gouvernementales soutenues par une coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite et séparatistes du Sud, fait toujours rage dans plusieurs régions du pays, dans les gouvernorats d’Abyan, de Hodeïda, de Marib et de Taïz, en particulier. L’appel au cessez-le-feu lancé par l’ONU afin de permettre aux parties de concentrer leurs efforts pour contenir la propagation du Covid-19 reste lettre morte, et les combats entre forces gouvernementales et groupes armés – tels qu’Al-Qaida dans la péninsule arabique et l’État islamique –, et entre ces groupes armés eux-mêmes, continuent de plus belle. Les conséquences humanitaires de toutes ces années de violences fratricides sont catastrophiques. L’accès aux soins, à l’eau et aux autres services essentiels est extrêmement restreint, et les pénuries d’approvisionnement, déjà chroniques, sont exacerbées par la pandémie de Covid-19. Dans ces conditions, les capacités nationales à répondre aux urgences de santé publique telles que le choléra et le Covid-19 sont considérablement limitées. L’inaccessibilité aux biens et aux services de base, ajoutée à la perte des moyens de subsistance, précipite des millions de personnes dans la misère, et une grande partie de la population dépend largement de l’assistance extérieure. Or les organisations censées fournir cette aide doivent faire face non seulement à des besoins colossaux, mais aussi à d’importants défis comme les attaques contre leur personnel et contre leurs installations.
Dans ces conditions, le CICR fait tout son possible pour répondre aux besoins les plus urgents de la population yéménite, et ce, malgré un environnement de travail extrêmement instable et une marge d’action toujours plus restreinte. En raison de l’insécurité qui prévaut et de la pandémie, certaines activités planifiées sont suspendues, reportées ou seulement partiellement mises en œuvre. C’est d’ailleurs le cas de la mission de Saïdi, qui se verra légèrement écourtée. La base logistique du CICR à Oman et son bureau à Djibouti continuent néanmoins de soutenir les opérations que l’institution s’efforce de mener dans le pays, en étroite coopération avec le Croissant-Rouge du Yémen et d’autres partenaires du Mouvement. Dans ce contexte chaotique, et malgré les limitations qui en découlent, le CICR continue d’appeler tous les acteurs en présence à respecter le droit international humanitaire, à protéger les populations et les infrastructures civiles, et à garantir l’accès aux services essentiels et à l’aide humanitaire. Et quand la situation le permet, il porte à leur attention des allégations documentées de violations du droit de la guerre et leur fait part de ses préoccupations en matière de protection des civils.
En 2020, au Yémen, le CICR apportera son soutien à 35 centres de santé primaire desservant quelque 685 000 personnes. Une assistance qui consistera entre autres en des visites de suivi, des services de santé mobiles, des distributions de médicaments et de matériel médical ainsi que des activités de formation des personnels de santé. L’institution soutiendra plus particulièrement cinq de ces structures – dont deux sites de quarantaine pour personnes positives au Covid-19 et deux centres de traitement du choléra –, qu’elle aidera à renforcer leurs capacités à répondre aux urgences de santé publique. Elle approvisionnera en outre en médicaments, équipements et autres fournitures médicales 47 hôpitaux situés à proximité des lignes de front, dont 14 bénéficieront d’un soutien continu de ses équipes, qui s’attacheront à encadrer le personnel hospitalier ou à prendre directement en charge les patients.
Sur toute l’année, grâce à des actions menées par le CICR, soit de manière régulière soit ponctuellement, quelque cinq millions de personnes bénéficieront d’un meilleur accès à des services de première nécessité, ce qui diminuera le risque qu’elles contractent des maladies. Pour ce faire, les services des eaux et d’assainissement ainsi que d’autres prestataires locaux recevront un soutien matériel et des conseils techniques qui leur permettront d’assurer l’entretien et le fonctionnement des systèmes d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées. Éviter ainsi l’effondrement des services essentiels contribuera aussi indirectement à renforcer les capacités locales en matière de prévention et de contrôle des infections.
En raison de la pandémie et par mesure de précaution, le CICR suspendra ses visites dans les lieux de détention durant la majeure partie de l’année. Il continuera cependant à soutenir les autorités pénitentiaires dans leurs efforts visant à améliorer les conditions de détention et à faire face à la pandémie de Covid-19. Ses équipes profiteront aussi de cette interruption temporaire des visites pour établir des contacts avec des autorités détentrices qu’elles n’avaient jusque-là pas approchées, ce qui permettra à l’institution, lorsqu’elle reprendra ses visites, une fois les mesures Covid levées, d’accéder à davantage de lieux de détention : au total, 43 établissements, soit dix de plus qu’avant la pandémie, accueillant en tout plus 20 000 personnes.
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