Matthaeus
Vischer
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Indonésie

Nous nous souvenons de Matthaeus Vischer

Matthäus Vischer voit le jour le 29 août 1886 à Bâle, en Suisse. Il étudie la médecine entre Bâle et Berne et obtient son diplôme en 1922. Il fait ensuite plusieurs stages d’internat : à l’Institut de pathologie et d’anatomie de Bâle, dans une clinique gynécologique de cette même ville, et à l’hôpital de Riehen. En 1926, il est recruté par la Société missionnaire évangélique de Bâle pour travailler comme médecin missionnaire à Bornéo, qui fait alors partie des Indes orientales néerlandaises – un territoire que se partagent aujourd’hui la Malaisie, l’Indonésie et le Brunei. Il est le premier médecin à se rendre à Bornéo pour le compte de la mission. Il y est accompagné de son épouse Elisabeth, infirmière de formation, et de leurs deux enfants. Le couple en aura trois autres durant leur séjour en Asie du Sud-Est. Avant de quitter l’Europe, Matthäus avait suivi un cours de spécialisation en médecine tropicale à Tübingen, en Allemagne. Il avait aussi fait un séjour aux Pays-Bas pour apprendre le néerlandais.

 

La Mission de Bâle menait déjà des activités à Bornéo depuis 1921, principalement auprès des Dayak, une tribu de chasseurs de têtes redoutés. Ses missionnaires sillonnaient les villages reculés de l’île, où ils prodiguaient des soins de santé, construisaient des écoles et évangélisaient la population. À son arrivée, outre ces tâches de routine, Matthäus se voit confier la direction des hôpitaux des villes de Banjermasin et de Kuala Kapuas, dans la partie sud de l’île. En tant qu’agent de liaison entre la mission et le gouvernement colonial néerlandais, il devient rapidement une figure renommée et respectée dans toute la région.

 

Les projets conçus par les époux Vischer de retourner en Suisse en 1940 pour que leurs cinq enfants y fassent leurs études sont bouleversés par l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. L’armée impériale japonaise, qui déferle alors sur l’Asie de l’Est, atteint Bornéo en décembre 1941, et Banjermasin est occupée en février de l’année suivante. C’est dans ce contexte que Matthäus envoie un télégramme au CICR, auquel il offre ses services comme délégué. Il était alors assez courant que le CICR fasse appel à des Suisses vivant dans des régions reculées du monde pour y représenter l’institution. Le CICR répond favorablement à sa proposition, quoiqu’un peu tardivement, son télégramme expédié début mars n’étant réceptionné qu’au mois de juin. Des problèmes de communication, qui ne cesseront d’ailleurs de se répéter les trois années suivantes, et qui auront des conséquences funestes.

 

En tant que délégué, Matthäus a pour principale tâche de veiller, autant que possible, sur la santé et la sécurité des prisonniers de guerre et des autres détenus aux mains des troupes japonaises. Des documents de l’époque attestent en effet que, après que les Japonais ont occupé le sud de Bornéo et emprisonné des ressortissants hollandais vivant dans région, Matthäus et Elisabeth commencent, en 1942, à visiter des personnes détenues dans des camps et à leur fournir de la nourriture, des vêtements et de l’argent. Ce qui déplaît aux forces d’occupation qui, dès la fin du mois de mai, durcissent les règles en vigueur dans les camps et tentent d’empêcher le couple de poursuivre ses visites et de limiter les contacts des détenus avec le monde extérieur. Ces intimidations ne dissuadent pas pour autant les Vischer, qui persistent dans leur mission.

 

Immédiatement après avoir répondu favorablement à l’offre de service de Matthäus, le CICR avait cherché à informer les autorités japonaises qu’il avait trois délégués à l’œuvre sur le territoire des Indes néerlandaises orientales – le Dr Vischer à Bornéo, le Dr K.E. Surbeck à Sumatra et M. Weidmann à Batavia (aujourd’hui Jakarta) – et à obtenir leur accord pour les activités humanitaires qu’ils menaient. Faute de réponse de leur part, le CICR s’était approché à de multiples reprises du ministère japonais des Affaires étrangères tout au long de l’année. En novembre 1942, celui-ci répondait par un message laconique qu’il examinait le statut des délégués. Des requêtes ultérieures de Genève n’avaient abouti qu’à une autre vague réponse en mai 1943. Finalement, à la mi-août 1945, le ministère japonais des Affaires étrangères notifiait au délégué du CICR en poste au Japon qu’il était favorable aux activités des trois délégués proposés par l’institution. Au total, le CICR avait contacté les autorités japonaises à pas moins de 19 reprises entre 1942 et 1945, mais n’avait reçu que quatre réponses.

 

Des lenteurs et des tergiversations qui allaient malheureusement être fatales au couple Vischer. Entre-temps, Matthäus et Elisabeth avaient en effet été arrêtés par l’armée japonaise d’occupation en mai 1943, puis jugés par un tribunal de guerre en octobre de la même année, sous l’accusation d’espionnage et de conspiration contre le Japon. Le 11 décembre, le couple est condamné à mort pour haute trahison et exécuté neuf jours plus tard, avec 300 autres personnes. En apprenant enfin le sort qui avait été le leur, le CICR conclut que les autorités japonaises avaient dû voir dans le travail humanitaire des Vischer en faveur des prisonniers de guerre une collaboration déguisée avec l’ennemi.

 

Dans la dernière lettre qu’il écrivait à sa mère, début de 1942, Matthäus disait à quel point lui et sa femme trouvaient difficile de poursuivre leur action humanitaire dans des circonstances aussi périlleuses. Pourtant, malgré les risques encourus, lui et Elisabeth n’ont cessé de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour aider ceux dont ils s’étaient donné pour mission d’alléger les souffrances.

Le CICR en
Indonésie, 1943

À l’époque de la Seconde Guerre mondiale, le CICR fait en sorte d’être représenté partout où des prisonniers de guerre ou des internés civils sont détenus. Son action, qui dans un premier temps se

limite à l’Europe occidentale, se généralise peu à peu au reste du monde, au fur et à mesure que la guerre s’étend aux Balkans, à l’Europe du Sud-Est, à l’Afrique, au Moyen-Orient et, finalement, à la région Asie-Pacifique. Les efforts déployés par l’institution pour mettre en place des délégations dans des contrées éloignées sont cependant contrecarrés par des problèmes de communication toujours plus importants liés au conflit. Les déplacements sont eux aussi chaque jour plus risqués et cela prend des semaines, voire des mois, pour envoyer des délégués depuis Genève. D’où la solution souvent privilégiée de recruter des citoyens suisses sur place. Lorsque la guerre se propage à l’Asie, le CICR ne dispose que d’une petite délégation dans la région, à Java. En 1942, il parvient toutefois à envoyer des délégués à Tokyo, aux Philippines, à Shanghai, à Singapour et à Hong Kong, et en 1943, à Chongqing, en Chine, et au Siam (aujourd’hui la Thaïlande). Toutefois, le Japon, qui n’a pas ratifié la Convention de Genève de 1929 sur les prisonniers de guerre, n’autorise pas automatiquement ses délégués à mener leurs activités, et le CICR doit déployer beaucoup d’efforts afin d’obtenir, au cas par cas, l’approbation du gouvernement japonais. Et il n’y parvient pas toujours, ce qui implique que beaucoup de délégués nommés dans la région doivent, comme Matthäus, travailler de manière officieuse, à titre personnel. En effet, autorisation officielle ou pas, les besoins des prisonniers de guerre et de la population civile sont si considérables que ces humanitaires dans l’âme n’hésitent pas à leur venir en aide, quels que soient les obstacles et la lourdeur de la tâche. La plupart du temps incompris, souvent en butte à des entraves et à des soupçons de tout genre, parfois malmenés et toujours isolés, ils ne reculeront devant rien pour mener à bien la mission dont ils se sentent investis.

Souvenirs

His daughter wrote a book about his and his wife's life. An IRRC review about this can be found here: https://international-review.icrc.org/sites/default/files/S1560775500092579a.pdf
Also, more information and photos: https://www.kapuas.info/2010/10/profil-singkat-dr-vischer-direktur-rs.html
14 avril 2023
Corina

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