Nous nous souvenons de Abdulkarem Ghazi
Abdulkarem Ghazi voit le jour le 1er janvier 1973 à Sanaa, la capitale du Yémen. Avant d’entrer au service du CICR en 2013, il accomplit un remarquable parcours professionnel en tant qu’infirmier. En novembre 1997, il obtient un baccalauréat en soins infirmiers à l’Université de Sanaa. Il travaille ensuite au Centre de cardiologie de la capitale en tant qu’infirmier, avant d’être recruté en mars 2000 par l’hôpital allemand du Yémen, en tant que directeur des soins infirmiers. En 2005, il joue un rôle central dans l’élaboration d’un manuel définissant la politique des services infirmiers pour l’établissement.
Abdulkarem demeure en poste à l’Hôpital allemand du Yémen jusqu’en juillet 2007, date à laquelle il obtient une bourse Fulbright pour étudier aux États-Unis afin d’y obtenir une maîtrise en gestion des soins infirmiers et des soins de santé à la Faculté de soins infirmiers de l’Université d’État de Kent. Dans le cadre de ses études, il rédige un article intitulé Factors Affecting Nursing in Yemen and Solutions for Strengthening the Profession (les soins infirmiers au Yémen : facteurs déterminants et solutions pour renforcer la profession). Pendant ses études, il travaille bénévolement comme infirmier assistant dans le service de soins gériatriques de l’organisation à but non lucratif Summa Health System, dans la ville voisine d’Akron.
À son retour à Sanaa, Abdulkarem travaille d’abord à temps partiel comme formateur de personnel infirmier à l’Institut de santé Al-Jazeera (de mars à juillet 2010). Il est ensuite nommé infirmier en chef de l’hôpital spécialisé Azal, dans la capitale, poste qu’il conservera jusqu’au moment de son engagement au CICR. Désireux de contribuer à l’amélioration des infrastructures médicales de son pays, il se joint à un autre ancien boursier Fulbright, Ebrahim Alkhshbi, titulaire du même diplôme que lui, pour soutenir une école de soins infirmiers au sein de l’Université de Sanaa. À partir de septembre 2012, Abdulkarem travaille en tant que formateur de personnel infirmier au sein de l’Université ; la même année, il est nommé vice-président de la Société yéménite de soins infirmiers.
En novembre 2013, il est engagé par la délégation du CICR à Sanaa en tant qu’agent de terrain Coopération. Ses fonctions consistent à assurer la collaboration et la coordination entre les diverses composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge actives au Yémen. L’un des principaux aspects de son travail consiste à renforcer le partenariat avec le Croissant-Rouge du Yémen. Grâce à sa riche expérience professionnelle et à ses qualités de dirigeant, il s’adapte aisément à ses nouvelles fonctions. Motivé, regorgeant de bonnes idées, il n’a de cesse de nouer des liens étroits avec le personnel et les sections de la Société nationale et gagne rapidement la confiance de ses collègues par la qualité constante de son travail. Pendant ses loisirs, il aime pratiquer le football et la natation.
Le 2 septembre 2015, alors qu’ils sont en mission sur le terrain, Abdulkarem et son collègue du CICR, Mohammed al-Hakamy, sont abattus à un poste de contrôle installé aux abords de la ville de Houth, dans le nord du gouvernorat d’Amran. Abdulkarem avait 42 ans ; il était marié et père de trois enfants (deux filles et un garçon).
Après la tragédie, Theodore H. Kattouf, président d’Amideast, l’organisation qui avait permis à Abdulkarem de bénéficier d’une bourse Fulbright, exprimera en ces termes sa profonde tristesse : « La mort d’Abdulkarem représente une tragédie de plus pour le Yémen : le décès prématuré d’un homme jeune, animé par un profond désir de mettre ses connaissances et ses compétences au service de son pays. »
Le CICR au
Yemen, 2015
Tout au long de l'année 2015, le Yémen continuera de subir les effets dévastateurs du conflit qui déchire le pays, et sera le théâtre de nombreux épisodes de violence. Dès le mois de mars, une coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite commence à mener des frappes aériennes, dans le but déclaré de contrer l’avancée des rebelles houthis soutenus par Téhéran. À la mi-août, presque tout le Yémen subit d’une manière ou d’une autre les effets de l’offensive militaire. La structure du gouvernement reste floue, de nombreux postes clés étant vacants et les fonctions officielles exercées par des groupes de différentes obédiences. Une fois de plus, ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut à la violence : les combats, les tirs d’artillerie et les bombardements aériens font plus de 6000 morts et des dizaines de milliers de blessés, et plus de deux millions de personnes sont déplacées, selon les chiffres officiels. Ce contexte chaotique rend les conditions de travail des acteurs humanitaires et du personnel de santé difficiles, entravant les efforts qu’ils déploient pour tenter de répondre aux énormes besoins de la population. Des établissements de soins, tels que ceux soutenus par Médecins Sans Frontières, et des bureaux d’organisations humanitaires sont bombardés ou touchés par des tirs d’obus. Huit volontaires du Croissant-Rouge du Yémen et deux employés du CICR, Abdulkarem et son collègue Mohammed, sont tués dans l’exercice de leurs fonctions. En décembre, deux autres collaborateurs du CICR sont enlevés. D’importantes contraintes logistiques liées notamment à la fermeture ou à la destruction partielle ou complète des aéroports et des ports du pays viennent par ailleurs entraver encore davantage l’action humanitaire.
En 2015, le CICR est l’une des rares organisations internationales à ne pas s’être retirée du Yémen. Compte tenu de l’extrême insécurité, l’institution doit adapter son dispositif et ses activités afin de trouver l’équilibre le plus juste entre l’urgence des besoins de la population et les risques encourus par son personnel. Elle recentre ainsi ses efforts sur les préoccupations immédiates des habitants, telles que l’accès aux soins de santé, à la nourriture et à l’eau. Certains membres du personnel sont provisoirement transférés dans un bureau à Djibouti et des mesures de sécurité plus strictes sont mises en place, notamment à la suite d’incidents impliquant des employés du CICR. Une base logistique à Oman soutient en outre les opérations que l’institution mène au Yémen.
Lorsque les hostilités reprennent de plus belle en mars, le CICR rappelle aux parties concernées, sur une base bilatérale et par le biais de déclarations publiques, qu’elles sont liées par les dispositions du droit international humanitaire et d’autres normes applicables. Il approche en outre plusieurs acteurs susceptibles d’exercer une influence sur la situation au Yémen, les incitant à répondre plus activement aux besoins humanitaires croissants et cherchant à obtenir leur soutien aux opérations menées par l’institution. Les efforts ainsi déployés aboutissent à l’obtention de pauses dans les combats, grâce auxquelles les équipes du Croissant-Rouge du Yémen et du CICR sont à même d’acheminer des secours, d’évacuer des blessés et de récupérer ou transférer les dépouilles de victimes.
Par ailleurs, pour aider à gérer l’afflux de blessés vers les établissements de soins d’Aden, l’institution déploie en avril une équipe chirurgicale à l’hôpital Al-Joumhouri, qui est finalement contrainte de se retirer de l’établissement trois semaines plus tard en raison du rapprochement des combats. Elle reprend du service en juin à l’hôpital Al-Mansoura, d’où elle finira également par être évacuée. Les deux hôpitaux pourront toutefois continuer à prendre en charge des patients grâce au soutien du CICR. Enfin, l’institution travaillera en étroite coopération avec les services des eaux locaux dans le but de remédier aux interruptions dans l’approvisionnement en eau de certaines zones urbaines. Plus de 2,5 millions de personnes en bénéficieront.
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