Rita Fox-Stucki voit le jour à Berne, la capitale helvétique, le 6 mai 1964. Sa mère meurt alors qu’elle n’a que cinq ans, et elle grandit avec son frère jumeau et une sœur aînée dans un orphelinat de la ville. Elle y séjourne de 1971 à 1980. Elle passe ensuite une année comme fille au pair à Lausanne, où elle apprend le français, avant de commencer à travailler comme aide-soignante à l’Hôpital universitaire pour enfants de cette même ville. C’était son rêve depuis son plus jeune âge d’être infirmière et d’aider ses semblables.
En 1982, Rita retourne à Berne et entame une formation en soins infirmiers, avec une spécialisation en santé maternelle et infantile. En 1985, son diplôme en poche, elle est engagée par l’Hôpital universitaire de la capitale et travaille, sept ans durant, dans les unités de chirurgie pédiatrique et de néonatologie. En 1990, elle prend un congé sabbatique et se rend à Beijing, en Chine. Elle passe trois mois à l’Académie de médecine traditionnelle chinoise, où elle obtient un diplôme d’acupuncture, qu’elle complétera plus tard par un brevet en réflexologie. Très douée pour les langues, Rita apprendra l’italien, puis le suédois, en plus du français, anglais et du suisse allemand, sa langue maternelle.
En 1992, elle quitte momentanément les soins infirmiers et passe la saison d’été au Club Méditerranée d’Ibiza, aux Baléares. Elle s’y occupe des enfants des vacanciers, des tout-petits en particulier. L’année suivante, elle s’envole vers de nouveaux horizons et commence à travailler comme hôtesse de l’air pour la compagnie Swissair, aujourd’hui disparue. C’est que Rita adore voyager : outre la Chine, elle visitera la Thaïlande, l’Indonésie, l’Inde, le Maroc, le Népal, la Tunisie, le Kenya, le Cameroun et la Nouvelle-Zélande. Elle aime par-dessus tout faire de nouvelles rencontres, connaître de nouveaux endroits et découvrir de nouvelles cultures. Mais ces expériences aux quatre coins du monde lui ouvrent aussi les yeux sur la pauvreté et les mauvaises conditions de santé et d’hygiène qui prévalent dans beaucoup de ces pays. C’est désormais clair pour elle, elle veut consacrer sa vie à alléger les souffrances dont elle a été témoin lors de ses voyages.
Après un court passage à l’unité de néonatologie de Berne, où elle avait déjà travaillé, Rita pose sa candidature au CICR, qui l’engage et l’envoie comme déléguée santé à Kigali, au Rwanda. Nous sommes en janvier 1996. Elle passe alors neuf mois dans le pays, où elle visite principalement des prisons et d’autres centres de détention, veillant à la bonne santé des personnes privées de liberté. En juin de l’année suivante, elle est affectée à Tbilissi, en Géorgie. Elle est chargée de collecter des données visant à évaluer la prévalence de la tuberculose au sein de la population carcérale du pays. Pendant ses six mois sur place, elle s’attire le respect de toutes les personnes avec qui elle travaille, collègues et détenus confondus. En novembre 1998, elle épouse son collègue Patrick Fox.
Sa mission suivante l’emmène au Soudan, à l’hôpital de Bentiu, où elle restera de janvier à août 1999, participant à la prise en charge des patients et à la formation du personnel local. Rita est très appréciée de ses collègues, notamment pour son engagement personnel sans limites, son sens de l’organisation, sa bonne humeur permanente et, par-dessus tout, l’humanité avec laquelle elle a l’habitude de traiter ses semblables.
En mars 2001, elle entame une nouvelle mission comme déléguée santé à Goma, en République démocratique du Congo. Le matin du 26 avril 2001, Rita et cinq autres collaborateurs du CICR prennent la route à bord de deux véhicules clairement marqués de l’emblème de la croix rouge. Partis de Bunia, ils se dirigent vers Fataki, dans la province de l’Ituri, où ils doivent évaluer les besoins des postes de santé de la région ainsi que ceux des personnes déplacées qui y ont trouvé refuge. Ils ont en outre l’intention de distribuer des messages Croix-Rouge. Une mission qu’ils n’auront malheureusement jamais la chance d’accomplir : tous les six sont retrouvés assassinés aux environs de la ville de Djugu. Rita avait 36 ans.
Parmi ses compagnons d’infortune se trouvaient Julio Delgado, un délégué secours colombien de 54 ans, Véronique Saro, une collaboratrice chargée des activités de santé de 33 ans, Unen Ufoirworth, un collaborateur chargé des activités d’assistance de 29 ans, ainsi qu’Aduwe Boboli et Jean Molokabonge, tous deux chauffeurs, âgés respectivement de 39 et 56 ans. Julio mis à part, ils étaient tous de nationalité congolaise.
Dans son allocution prononcée lors de la cérémonie organisée en leur mémoire , le président du CICR, Jakob Kellenberger, déclare : « La mort de nos six collègues est un immense “coup dur” pour l’institution. Ils incarnaient l’image de ce CICR réputé comme étant le lieu où des individus de nationalités, de cultures et d’horizons différents unissent leurs forces dans la poursuite d’un même idéal, celui de venir en aide à leurs semblables. Un peu partout dans le monde, vous trouverez des personnes vouant une profonde reconnaissance à ces femmes et ces hommes “venus de loin” pour apporter assistance et protection à ceux qui en ont besoin. Si certains viennent effectivement de loin, beaucoup d’autres sont issus des régions ou des pays mêmes où ils œuvrent au service de leur communauté. Et c’est de la fusion de leurs énergies et de la confiance qu’ils nourrissent les uns pour les autres que nous tirons notre force. Aujourd’hui, nous rendons hommage à quatre ressortissants congolais, à une Suissesse et à un Colombien qui portaient haut ces valeurs communes. »
Bien que trop bref, le parcours de Rita aura été riche et varié. De sa ville natale de Berne, il l’a conduite aux quatre coins du monde, l’emmenant finalement à sa véritable vocation : venir en aide à celles et ceux qui n’ont personne vers qui se tourner, et leur redonner espoir.