Juan Rufino voit le jour à Genève, le 10 juillet 1959. Italien de naissance, il acquerra la nationalité suisse par naturalisation. Au lycée, il s’oriente vers la filière littéraire et obtient sa maturité par correspondance en 1980. En parallèle, il entreprend un apprentissage de mécanicien sur autos qui sera sanctionné, trois ans plus tard, par un certificat fédéral de capacité. En 1984, il entame des études de sciences politiques à l’Université de Genève, qu’il complète par un diplôme de l'Institut de hautes études internationales et du développement.
À 35 ans, Juan a déjà derrière lui un riche parcours professionnel. Il a travaillé comme secrétaire pour l’Albanian International Scholarship Foundation, puis comme comptable au sein d’un programme d’apprentissage professionnel de la Confédération, avant d’enseigner le français à des ressortissants étrangers vivant à Genève. Il a aussi été tour à tour stagiaire au sein du Service international pour les droits de l’homme, bagagiste à l’aéroport de Genève, collaborateur d’Antenna International et même conseiller dans une société financière. Cette multitude d’emplois cumulés lui laisse toutefois un sentiment d’insatisfaction. Il ressent soudain le besoin d’agir au service de ses semblables partout dans le monde et décide de s’engager aux côtés des personnes en détresse.
C’est ainsi qu’en janvier 1995, Juan pose sa candidature au CICR. En août de la même année, engagé comme délégué Protection, il est envoyé pour sa première mission à Bujumbura, au Burundi. Il y aura notamment pour tâche de visiter des lieux de détention et de rétablir le contact entre membres de familles dispersées par le conflit. Il portera aussi assistance aux groupes vulnérables que sont les
femmes, les enfants et les personnes déplacées. Après un bref intermède à Goma, en République démocratique du Congo, en janvier 1996, Juan reprend sa mission au Burundi, où il est censé rester jusqu’au début du mois d’août.
Juan, qui n’a pas tardé à se faire apprécier pour ses talents de fin négociateur, se réjouit déjà à l’idée de sa prochaine mission. Doté d’un esprit extrêmement cartésien, il ne manque pourtant jamais de faire preuve de patience et de respect à l’égard de ses interlocuteurs, et souvent d’un sens de l’humour aiguisé. Au CICR, où il se sent enfin dans son élément, Juan fait rapidement savoir qu’il souhaite continuer à travailler dans des contextes exigeants. Mais le sort va en décider autrement.
Le 4 juin 1996, après une journée passée dans un camp de réfugiés des environs de Mugina où il s’est rendu avec d’autres collaborateurs de l’institution pour effectuer des réparations sur le système de distribution d’eau, Juan et ses collègues rentrent à Bujumbura. À un moment donné, leur véhicule, qui arbore distinctement le logo du CICR, tombe dans une embuscade. Juan, ainsi que deux de ses compagnons, Cédric Martin et Reto Neuenschwander, sont tués dans l’attaque. Il avait 36 ans.
Doté d'une intelligence tranquille, d'un enthousiasme contenu et d'une détermination inébranlable, Juan poursuivait deux ambitions très claires en travaillant pour le CICR : donner du sens à son existence et aider les personnes vivant dans la souffrance à retrouver leur dignité. Durant son court parcours dans l’humanitaire, il s’est tout de suite imposé comme un puits d’énergie positive et de réconfort pour les personnes qui le côtoyaient dans son travail, comme pour celles à qui il s’efforçait de venir en aide.