Jon Karlsson voit le jour en Islande, le 14 mai 1953. Après avoir obtenu son diplôme d’infirmier à l’École des sciences de la santé de l’Université d’Islande en 1981, il travaille quelques années dans l’unité de soins postopératoires de l’hôpital de Reykjavik, où il se familiarise avec la chirurgie orthopédique, la médecine d’urgence et les soins intensifs, ainsi que la neurochirurgie.
Jon est ensuite engagé par la Croix-Rouge islandaise, au sein de laquelle il fait son cours pour futurs délégués. Nous sommes en avril 1985. Quelques mois plus tard, la Société nationale le détache auprès du CICR, qui l’envoie pour une mission de six mois en Thaïlande. À l’hôpital de Khao-I-Dang, où il s’occupe des patients qui sortent du bloc opératoire, Jon se distingue très vite par l’excellence de son travail et son grand sens des responsabilités.
Sa prochaine mission l’emmène à Quetta, au Pakistan, où il exerce comme infirmier-chef à l’hôpital chirurgical du CICR, de septembre 1986 à mars 1987. Là, confronté à une lourde charge de travail, Jon montre une fois encore ses capacités à gérer les situations avec sang-froid et efficacité. L’été suivant, le CICR, qui recherche d’urgence un infirmier de bloc opératoire pour ce même hôpital de Quetta, lui propose une courte mission d’un mois. Jon accepte. L’expérience qu’il a du lieu lui permet accessoirement de mettre au courant les nouveaux collaborateurs de la situation qui prévaut sur place.
Ses collègues, tant expatriés que locaux, l’estiment énormément. Et pas seulement pour ses compétences d’infirmier, mais aussi et surtout parce que Jon est une personne qu’il fait bon côtoyer. Méthodique, conciliant et d’humeur toujours égale, il a aussi un sens de l’humour qui le fait apprécier de tous. Quant à sa dépendance légendaire à la caféine, lui qui ne se déplace jamais sans sa cafetière et une grande réserve de café, elle le rend d’autant plus attachant.
En mars 1989, Jon part pour une nouvelle mission en Afghanistan. À l’hôpital chirurgical du CICR à Kaboul, il prouve une nouvelle fois qu’il est à l’aise dans des conditions de travail mouvementées et une situation de sécurité loin d’être idéale. Après une courte pause en fin d’année, il enchaîne avec une nouvelle mission, toujours en Afghanistan, mais cette fois à la sous-délégation du CICR à Hérat. Il y reste de janvier à juin 1990. Tandis que son responsable hiérarchique relève le grand sens de l’initiative et des responsabilités dont il fait preuve au dispensaire de campagne de l’institution, l’un de ses colocataires de l’époque se moque, non sans tendresse, de l’obstination avec laquelle il s’entête à apprendre à jouer du saxophone.
Après Hérat, Jon entame ce qui sera sa plus longue mission au sein de l’institution, qui l’envoie à Bor, dans le sud du Soudan. De septembre 1990 à juin 1991, il officiera tantôt comme infirmier de terrain, tantôt comme infirmier de bloc opératoire. Ses performances professionnelles et ses capacités de formateur font à nouveau l’admiration de tous.
En mars 1992, il est affecté à Kaboul, toujours comme infirmier. Il est en terrain connu, puisque c’est la deuxième fois qu’il se retrouve dans la capitale afghane. Jon vit alors une période de son existence riche en perspectives. Quelques mois plus tôt, il a épousé Jennifer Hayward, une infirmière de la Croix-Rouge britannique, et il a le projet de lever le pied et de faire une grande pause au terme de cette septième mission pour le CICR. Cependant, la situation se fait de plus en plus instable à Kaboul. La guerre civile qui sévit depuis 1989, bien qu’elle donne des signes d’essoufflement, a plongé le pays dans le chaos, et l’insécurité règne en maître un peu partout. Le 22 avril, un mois à peine après le début de sa mission, Jon est abattu par un homme armé dans une rue de Maidan Shar, une ville située au sud de Kaboul, alors qu’il est affairé à évacuer un civil blessé. Il avait 38 ans.
Jon incarnait l’énergie tranquille : infatigable à la tâche, il ne montrait jamais le moindre signe de stress. La force d’esprit dont il faisait preuve dans les situations les plus délicates, alliée à son imperturbable calme inné, avait aussi un côté rassurant pour les personnes qui travaillaient à ses côtés. En 1993, en reconnaissance de son engagement humanitaire, Jon se verra décerner la médaille Henry Dunant à titre posthume.