Nous nous souvenons de Hamid Al-Qadami
Hamid al-Qadami voit le jour le 1er septembre 1981 à Bani Qadam, au Yémen, dans le gouvernorat de Hajjah. Il fait ses premières classes à l’école Al-Shaheed Hussein de la ville de Hajjah, avant d’entamer des études d’infirmier à l’Institut des sciences de la santé de cette même ville. Il passe son diplôme en 1998. De 1999 à 2003, il dirige une unité de soins dans le district de Sharas, puis travaille six ans durant dans deux hôpitaux du gouvernorat d’Amran voisin, l’hôpital général d’Amran et l’hôpital Al-Makhthi. En parallèle, il continue à se former et obtient coup sur coup un diplôme en pharmacie de l’Institut supérieur des sciences médicales de Sanaa, en 2008, puis une licence en langue anglaise de l’Université d’Amran, une année plus tard.
En 2010, Hamid est recruté par l’hôpital Al-Joumhouri de Hajjah. Il y passera les huit années suivantes, s’occupant, dans un premier temps de surveillance épidémiologique, de gestion des données sanitaires et d’éradication du paludisme. De 2012 à 2013, il est chargé de la planification des projets, avant d’être nommé responsable des achats et de l’approvisionnement de l’établissement. En 2018, il devient superviseur général, chargé notamment de la formation et des qualifications du personnel. Pendant ses années à l’hôpital Al-Joumhouri, il décroche une maîtrise en administration des affaires (MBA) de l’Arab Academy for Banking and Financial Sciences de Sanaa.
La soif d’apprendre de Hamid est sans limites : tout au long de sa carrière, il cherchera inlassablement à améliorer ses connaissances et ses compétences, toujours à l’affût de nouvelles formations dans des domaines aussi variés que les dernières avancées médicales, les technologies de l’information et de la communication ou le management. En 2016, il se lance dans un doctorat en gestion des connaissances et innovation à l'Université Dr Babasaheb Ambedkar Marathwada d’Aurangabad, en Inde. Dans le cadre de ses recherches, il se rendra ainsi à plusieurs reprises en Inde pour assister à des conférences et des ateliers.
En juillet 2019, Hamid pose sa candidature au CICR, qui n’hésite pas un instant à l’engager. Un mois plus tard, il est affecté comme agent de santé à la sous-délégation de Saada. Dès l’année suivante, lorsque la pandémie de Covid-19 éclatera, il participera activement au soutien fourni par l’institution aux centres de quarantaine pour personnes positives au coronavirus. La vaste expérience qu’il apporte avec lui est immédiatement très appréciée de ses collègues, au même titre que sa profonde motivation, son grand cœur et le large sourire qu’il arbore en permanence. Des collègues qui ne tarderont pas à le surnommer affectueusement « le professeur », en raison des innombrables heures qu’il consacre pendant son temps libre aux recherches pour son doctorat.
Et il est vrai que Hamid n’a alors qu’une idée en tête : terminer sa thèse. À chacun de ses retours d’un séjour en Inde, il régale avec enthousiasme ses collègues d’anecdotes sur la richesse de la cuisine et la beauté naturelle du pays. Mais la vie n’est pas toujours aussi rose qu’il le souhaiterait, et il doit souvent consentir à de gros sacrifices pour trouver les moyens nécessaires à la poursuite de ses études. L’optimiste né qu’il est ne baisse cependant jamais les bras, déclarant à qui veut l’entendre que quiconque a un rêve peut le réaliser.
Si son engagement humanitaire et l’obtention de son doctorat lui tiennent sans aucun doute très à cœur, il y a cependant quelque chose que Hamid chérit par-dessus tout dans la vie : sa famille. Il est en effet le père comblé de six garçons, qui sont ce qu’il a de plus cher. Lorsque ses congés le lui permettent, il n’hésite ainsi pas à faire trois heures de route pour rentrer à la maison retrouver sa femme et ses fils.
Ce parcours brillant sera toutefois stoppé net le 30 décembre 2020. Ce jour-là, Hamid s’apprête à prendre un avion à l’aéroport d’Aden pour se rendre en Inde où, après des années d’études, il doit enfin défendre sa thèse de doctorat. La zone de transit où il attend d’embarquer, en compagnie d’une dizaine de collègues du CICR, est soudainement secouée par de violentes explosions. Hamid et deux autres employés du CICR, Ahmed Wazir et Saïdi Kayiranga, sont tués dans l’attentat, tandis que trois autres collègues s’en tirent avec des blessures. Au total, une trentaine de civils perdent la vie et une centaine d’autres sont blessés. Hamid avait 39 ans.
Hamid faisait partie de ces personnes qui abordent la vie avec enthousiasme et détermination, en quête perpétuelle du mieux et du meilleur, que ce soit pour lui-même, pour sa jeune famille ou pour son pays et son peuple. Il était sur le point de réaliser le rêve qu’il poursuivait depuis des années en obtenant son doctorat, un diplôme dont il espérait qu’il lui permettrait de continuer à venir en aide à ses semblables au Yémen.
Le CICR au
Yemen, 2020
En 2020, la guerre civile qui déchire le Yémen depuis 2014 fait toujours rage dans plusieurs régions du pays, dans les gouvernorats d’Abyan, de Hodeïda, de Marib et de Taïz, en particulier. L’appel au cessez-le-feu lancé par l’ONU afin de permettre aux parties de concentrer leurs efforts pour contenir la propagation du Covid-19 reste lettre morte, et les combats entre forces gouvernementales et groupes armés – tels qu’Al-Qaïda dans la péninsule arabique et l’État islamique –, et entre ces groupes armés eux-mêmes, continuent de plus belle. Les conséquences humanitaires de toutes ces années de violences fratricides sont catastrophiques. L’accès aux soins, à l’eau et aux autres services essentiels est extrêmement restreint, et les pénuries d’approvisionnement, déjà chroniques, sont exacerbées par la pandémie de Covid-19. Dans ces conditions, les capacités nationales à répondre aux urgences de santé publique telles que le choléra et le Covid-19 sont considérablement limitées. L’inaccessibilité aux biens et aux services de base, ajoutée à la perte des moyens de subsistance, précipite des millions de personnes dans la misère, et une grande partie de la population dépend largement de l’assistance extérieure. Or les organisations censées fournir cette aide doivent faire face non seulement à des besoins colossaux, mais aussi à d’importants défis, comme les attaques contre leur personnel et contre leurs installations.
Dans ces conditions, le CICR fait tout son possible pour répondre aux besoins les plus urgents de la population yéménite, et ce, malgré un environnement de travail extrêmement instable et une marge d’action toujours plus restreinte. En raison de l’insécurité qui prévaut et de la pandémie, certaines activités planifiées sont suspendues, reportées ou seulement partiellement mises en œuvre. La base logistique du CICR à Oman et son bureau à Djibouti continuent néanmoins de soutenir les opérations que l’institution s’efforce de mener dans le pays, en étroite coopération avec le Croissant-Rouge du Yémen et d’autres partenaires du Mouvement. Dans ce contexte chaotique, et malgré les limitations qui en découlent, le CICR continue d’appeler tous les acteurs en présence à respecter le droit international humanitaire, à protéger les populations et les infrastructures civiles, et à garantir l’accès aux services essentiels et à l’aide humanitaire. Et, quand la situation le permet, il porte à leur attention des allégations documentées de violations du droit de la guerre et leur fait part de ses préoccupations en matière de protection des civils.
En 2020, au Yémen, le CICR apportera son soutien à 35 centres de santé primaire desservant quelque 685 000 personnes, un travail auquel Hamid contribuera activement. Une assistance qui consistera entre autres en des visites de suivi, des services de santé mobiles, des distributions de médicaments et de matériel médical et des activités de formation des personnels de santé. L’institution soutiendra plus particulièrement cinq de ces structures – dont deux sites de quarantaine pour personnes positives au coronavirus et deux centres de traitement du choléra –, en les aidant à renforcer leurs capacités à répondre aux urgences de santé publique. Elle approvisionnera en outre en médicaments, équipements et autres fournitures médicales 47 hôpitaux situés à proximité des lignes de front ; 14 d’entre eux bénéficieront d’un soutien continu de ses équipes, qui s’attacheront à encadrer le personnel hospitalier ou à prendre directement en charge les patients.
Sur toute l’année, grâce à des actions menées par le CICR, soit de manière régulière soit ponctuellement, quelque cinq millions de personnes bénéficieront d’un meilleur accès à des services de première nécessité, diminuant ainsi le risque qu’elles contractent des maladies. Pour ce faire, les services des eaux et d’assainissement ainsi que d’autres prestataires locaux recevront un soutien matériel et des conseils techniques, qui leur permettront d’assurer l’entretien et le fonctionnement des systèmes d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées. Ces efforts destinés à éviter l’effondrement des services essentiels contribueront aussi indirectement à renforcer les capacités locales en matière de prévention et de contrôle des infections. Des réservoirs à eau, des systèmes de filtrage, des panneaux solaires et des tentes seront aussi fournis à des centres de quarantaine.
En raison de la pandémie et par mesure de précaution, le CICR suspendra ses visites dans les lieux de détention durant la majeure partie de l’année. Il continuera cependant à soutenir les autorités pénitentiaires dans leurs efforts visant à améliorer les conditions de détention et à faire face à la pandémie de Covid-19. Ses équipes profiteront aussi de cette interruption temporaire des visites pour établir des contacts avec des autorités détentrices qu’elles n’avaient jusque-là pas approchées, ce qui permettra à l’institution, lorsqu’elle reprendra ses visites une fois les mesures Covid levées, d’accéder à davantage de lieux de détention : au total, 43 établissements, soit dix de plus qu’avant la pandémie, abritant en tout plus 20 000 personnes.
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