Frédéric Maurice naît le 11 novembre 1953 à Genève. Le travail de son père amène sa famille à passer quelques années à Boston en 1955. À son retour à Genève en 1958, Frédéric parle anglais et français. Il fait sa scolarité primaire et secondaire à l’Institut Florimont, qu’il achève par une maturité fédérale en 1972. Exempté du service militaire pour objection de conscience, il étudie le droit à l’Université de Genève, où il obtient sa licence en 1976. À ce stade, il envisage déjà une carrière dans le domaine humanitaire.
Frédéric part alors pour l’étranger. Il passe l’hiver 1976-1977 à Berlin, où il suit des cours à l’Université libre. Puis, de novembre 1977 à janvier 1979, il vit dans un kibboutz en Israël. Il veut se mettre à l’épreuve et voir s’il est capable de mener une vie plus simple centrée sur le travail manuel – sa tâche consiste à irriguer des vergers. Il a voyagé en Syrie, en Jordanie et au Liban quelques années plus tôt, mais c’est son premier séjour en Israël. N’étant pas homme à laisser passer une occasion, Frédéric profite de cette période en Haute-Galilée pour étudier intensivement à la fois l’hébreu écrit et l’hébreu littéraire, notamment parce qu’il considère cela comme une bonne base pour apprendre d’autres langues sémitiques telles que l’arabe. Une fois de retour à Genève, Frédéric parachève ses études en y ajoutant un diplôme de l’Institut de hautes d’études internationales et du développement, qu’il obtient à l’été 1980.
Sa seule expérience professionnelle jusqu’alors, mis à part son travail au kibboutz, a été sa fonction d’assistant du professeur Christian Robert à la faculté de droit de l’Université de Genève. Cette période d’assistanat, qui dure d’octobre 1976 à octobre 1977 (sauf l’hiver passé à Berlin), est notamment l’occasion pour Frédéric d’écrire un traité sur l’euthanasie qui est publié en 1978, avec une préface du Pr Robert. En 1980, Frédéric signe un article intitulé « La loi, médiation de la violence », qui paraît dans la revue Déviance et société. Ces deux textes donnent une idée de la capacité d’analyse et du talent pour l’écriture qu’il allait mettre abondamment à contribution dans son travail pour le CICR.
En juillet 1980, Frédéric pose sa candidature pour un poste de délégué polyvalent au CICR. Au cours du processus de recrutement, on le juge cultivé, doué d’un esprit curieux, facile à vivre et direct. Malgré son peu d’expérience professionnelle, il est déjà considéré comme susceptible de faire carrière dans l’institution.
Pour sa première mission, qui dure près d’un an et demi, Frédéric est envoyé fin novembre 1980 à Jérusalem comme délégué visiteur. Ses supérieurs le trouvent intelligent, compétent et motivé. C’est pendant cette période qu’il se marie, et le jeune couple aura deux enfants au cours des quatre années suivantes. La deuxième mission de Frédéric le ramène au siège du CICR à Genève, où il assume la fonction de délégué opérationnel au sein du département juridique. Ce rôle met en évidence sa forte personnalité et ses opinions bien arrêtées, ainsi que ses excellentes capacités de rédaction.
Frédéric avance d’un grand pas dans sa carrière lorsqu’il se voit confier le poste de chef de la délégation du CICR à Téhéran à partir de septembre 1983, en pleine guerre Iran-Irak. Il s’agit là d’un rôle extrêmement complexe. Frédéric est félicité pour la vigilance avec laquelle il défend la position du CICR ainsi que pour son aptitude à prendre des initiatives courageuses et à mobiliser son équipe. Il gagne en outre le respect des personnes et des organismes auxquels il a affaire en dehors du CICR – y compris des populations que ce dernier a pour mission de protéger. Après son retour au siège en novembre 1984 pour une courte période, il est envoyé en Angola, où il se voit confier la fonction de chef de la sous-délégation de Huambo pendant six mois, au plus fort de la guerre civile.
En octobre 1985, Frédéric reçoit une nouvelle affectation en tant que chef de délégation, cette fois-ci en Éthiopie, à Addis-Abeba. En toile de fond, le conflit de l’Ogaden – mais la délégation doit également faire face aux effets persistants des conflits internes qui secouent des pays voisins et à une sécheresse récente. Lorsque sa mission prend fin, en mai 1987, Frédéric fait une pause. Il reprend le travail en septembre 1988. Il est alors envoyé comme chef de délégation à Tel-Aviv, où il reste en poste près de deux ans.
En octobre 1990, Frédéric est attaché à la direction des opérations, au siège du CICR. Il a notamment pour tâches de représenter le Département des opérations dans les groupes de travail du siège, de rédiger des documents de politique interne, de préparer des documents officiels à usage externe, d’aider au recrutement et à la formation de nouveaux délégués, et d’effectuer des missions ponctuelles sur le terrain (par exemple, d’évaluation des besoins et de soutien opérationnel, notamment au Koweït, en Irak, en Iran et en Slovénie). C’est précisément lors d’une de ces missions, cette fois en Bosnie-Herzégovine, que Frédéric est tué. S’étant porté volontaire pour prendre la relève du chef de la délégation de Sarajevo, il entre dans la ville avec un convoi du CICR le 18 mai 1992. Bien qu’arborant clairement l’emblème, les véhicules sont la cible de tirs nourris, qui touchent Frédéric et deux autres membres du personnel du CICR. Si ses deux collègues survivent à leurs blessures, Frédéric décède le lendemain. Il avait 39 ans.
Frédéric était un humanitaire à part entière – à la fois théoricien et praticien. En se consacrant pleinement à sa vocation, il a marqué durablement le CICR et les nombreux collègues qu’il a côtoyés au fil des années. Et surtout, il a influé positivement sur le sort des victimes de conflits dans plusieurs régions du monde.