Alfred Petters voit le jour à Dacono, dans l’État du Colorado, le 10 juillet 1957. En 1975, ses études secondaires au Lycée catholique de Denver terminées, il rentre à l’Université du Colorado à Boulder, où il étudie la mécanique de précision. En 1977, fraîchement diplômé, il intègre le Corps des Marines des États-Unis en tant que mécanicien automobile. Après quatre ans de service dans cette unité, il décroche un travail au sein d’une compagnie spécialisée dans la fabrication de compresseurs et de générateurs basée à Aurora, toujours au Colorado.
En août 1983, Alfred s’engage comme volontaire dans le Corps de la paix, une agence indépendante créée par le gouvernent des États-Unis en 1961, et part pour l’Afrique. Ce premier séjour sur ce continent marquera pour lui le début d’une série de missions humanitaires qui s’étaleront sur les deux décennies à venir. Il est tout d’abord envoyé au Libéria, où il travaillera deux ans et demi durant à construire des puits dans le cadre d’un projet de développement rural. En avril 1986, Alfred est engagé par la Bong Mining Company en tant que contremaître d’une unité d’enrichissement de minerai de fer installée au nord de la capitale libérienne, Monrovia. Mais en 1989, la guerre civile qui embrase le pays met un terme à sa mission. Alfred retourne au Colorado, où il travaille quelque temps pour une entreprise de construction basée à Littleton. Il y est chargé de superviser la construction de stations d’épuration des eaux usées.
En 1991, Alfred est de retour en Afrique. Il est embauché par une compagnie italienne pour une courte mission comme ingénieur hydraulicien, et travaille à la reconstruction de la station de traitement des eaux de Monrovia. Suit une mission de six mois dans le nord de la Sierra Leone, en 1992.
En août de la même année, Alfred fait sa première expérience CICR, auprès duquel il est détaché par la Croix-Rouge américaine en tant qu’ingénieur eau et assainissement en Somalie et dans le nord du Kenya. Pendant cette mission d’une année, il passe le gros de son temps entre les villes de Kismayo et de Mogadiscio à construire des puits et des latrines, et à concevoir des programmes de collecte des ordures. Fort de sa solide expérience professionnelle, Alfred force immédiatement le respect de ses nouveaux collègues, qui voient en lui une personne qui n’a pas peur du travail et dont le sens pratique lui permet de venir à bout de toutes les difficultés. Il est en outre très à l’écoute de ses semblables et toujours disposé à donner un coup de main.
Début 1994, après une brève pause, Alfred retourne en Somalie pour le compte du CICR, alors engagé dans une opération de lutte contre une épidémie de choléra qui ravage le pays. Peu après son arrivée sur place, il est kidnappé par des hommes armés à un poste de contrôle à Mogadiscio. Il est relâché sain et sauf quelques jours plus tard, mais l’incident signe la fin de sa mission.
Ce malencontreux événement n’entame toutefois en rien l’amour qu’il voue à ce continent. Dans un courrier qu’il adresse à un collègue du CICR quelques mois plus tard, Alfred dit combien il apprécie la culture et le peuple africains, et se souvient avec émotion des employés somaliens « extrêmement avenants et dévoués » aux côtés desquels il a eu le plaisir de travailler. Et d’ajouter que les opinions négatives invariablement relayées par les médias internationaux sur l’Afrique l’attristent beaucoup.
« Et pourtant, en matière de sacrifice de soi, de charité, de gentillesse, de compassion et de sens de l’honneur, l’Africain de la rue dont on n’entend jamais parler aux nouvelles serait bien placé pour donner des leçons au reste du monde dit civilisé. Je le sais parce que j’en ai fait personnellement l’expérience », écrit-il encore.
Alfred est de retour sur le continent en avril 1995. Durant les deux ans qu’il passera au Rwanda au sein de la délégation du CICR à Kigali, il travaillera dans la plupart des 13 prisons que compte le pays, où il s’attachera essentiellement à remettre en état les systèmes d’approvisionnement en eau et les installations sanitaires. Il participera aussi à la réparation des stations de traitement des eaux des principales villes du pays. Comme à son habitude, il se donne corps et âme à la tâche, dans le souci permanent d’améliorer les conditions de vie des plus défavorisés. Réputé pour trouver des solutions à tous les problèmes, il est courtisé par ses collègues pour son savoir-faire et ses compétences techniques, ainsi que pour ses capacités à venir systématiquement à bout de toutes les situations, aussi complexes soient-elles. Après le Rwanda, Alfred passe une année à Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo. Il y est chargé de diriger un projet mené conjointement par la Croix-Rouge américaine et le CICR dans le domaine de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement.
Après une courte pause au pays, Alfred repart pour l’Afrique, au Kenya, cette fois-ci, mais toujours comme ingénieur hydraulicien. Il y a pour tâche de gérer un projet eau et assainissement dans la vallée du Kerio, théâtre de violents affrontements entre agriculteurs et éleveurs. Le CICR et la Croix-Rouge américaine collaborent alors sur une série de projets à long terme dans la région. Au final, ce ne sont pas moins de 65 kilomètres de route qui seront construits, 70 puits creusés et une quarantaine d’écoles reconstruites. C’est exactement le genre de mission qu’Alfred affectionne et, une fois de plus, il donne de sa personne sans compter. À côté des tâches purement techniques qui lui incombent, il prend aussi souvent part à des séances de réconciliation entre communautés rivales de pasteurs et d’agriculteurs de la vallée, dont il s’attire rapidement le respect et la confiance. Il est bien conscient de l’importance que cela revêt pour le succès du projet dont il est responsable. Son enthousiasme est toutefois coupé net le 26 février 2002 par un accident de la route qui lui coûte la vie. Il avait 44 ans.
Plus tard dans l’année, à l’occasion d’une cérémonie d’inauguration de huit écoles dans la région, des centaines de villageois rendront hommage à Alfred, dont ils s’étaient fait un véritable ami. Un moment de profonde émotion reflétant la grande affection et le profond respect que lui portaient les gens de la vallée du Kerio et bien au-delà encore.