Gunnhild
Myklebust
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Russie

Nous sommes si heureux qu’elle ait pu partir faire quelque chose pour les autres, parce que c’était ce dont elle rêvait. Elle restera toujours un exemple pour nous tous.

La famille de Gunnhild

Nous nous souvenons de Gunnhild Myklebust

Gunnhild Myklebust naît le 31 janvier 1946 à Volda, dans le sud-ouest de la Norvège. Elle étudie à l’école de soins infirmiers de Molde, dont elle sort diplômée en 1968. Elle retourne ensuite à Volda et commence à travailler comme infirmière à l’hôpital local, d’abord au bloc opératoire, puis en salle de réveil et dans la consultation externe du service de chirurgie. Elle restera dans cet hôpital jusqu’en août 1993. C’est une collègue très appréciée et très aimée, qui a la réputation d’être enjouée, impulsive et plus encline à exprimer ses sentiments qu’à respecter les conventions sociales. Bref, c’est quelqu’un avec qui on ne s’ennuie pas. Après avoir élevé cinq enfants, elle devient grand-mère pour la première fois en 1990. En plus des soins infirmiers, Gunnhild aime les travaux d’aiguille, le jardinage et la pâtisserie. Elle fait aussi du bénévolat pendant son temps libre.

 

Sous ce tempérament joyeux se cache la ferme volonté d’aider les personnes qui en ont besoin – une volonté qui ne cesse de se renforcer au fil des années. En 1991, Gunnhild prend le temps de suivre la formation de troisième cycle en soins infirmiers dans les situations de catastrophe et de guerre, dispensée par la Croix-Rouge de Norvège à l’école de soins infirmiers de Drammen. L’année suivante, elle passe six mois comme infirmière de bloc opératoire à l’hôpital Al-Ittihad de Naplouse, en Cisjordanie occupée. Cette mission, qui a été organisée par l’intermédiaire du Comité norvégien d’aide (NORWAC), fait une profonde impression sur Gunnhild. Il devient de plus en plus important pour elle d’aider les populations des zones de conflit et de catastrophe.

 

Elle quitte l’hôpital de Volda en août 1993 pour aller travailler comme infirmière de bloc opératoire à l’hôpital central de la ville de Førde, plus au sud. Là, elle adhère à la Croix-Rouge locale, et devient par la suite membre du conseil. Plus tard, elle est élue au comité d’administration de l’Organisation norvégienne des infirmières, section de Førde.

 

En octobre 1995, Gunnhild passe neuf mois en Bosnie-Herzégovine en tant qu’infirmière de bloc opératoire à l’hôpital de campagne norvégien de Tuzla. Son poste relève de la Norwegian Medical Company, qui fait partie de la force de maintien de la paix des Nations Unies. Ses compétences professionnelles, ses soins attentifs et sa gentillesse – sans parler de la façon dont elle sait aider les autres dans les situations difficiles – font d’elle un membre apprécié et respecté de l’équipe. Avec son tempérament enjoué, son rire chaleureux et ses délicieux gâteaux faits maison, elle est la collègue et camarade que tout le monde rêverait d’avoir.

 

Au début du mois de novembre 1996, détachée par la Croix-Rouge de Norvège pour sa première mission CICR, Gunnhild est envoyée dans la république russe de Tchétchénie en tant qu’infirmière en chirurgie. Elle est basée dans le village de Novy Atagi, où le CICR a ouvert un hôpital de campagne à une vingtaine de kilomètres au sud de la capitale, Grozny. Peu après son arrivée à Novy Atagi, elle apprend qu’elle est grand-mère pour la deuxième fois.

 

Aux premières heures du 17 décembre 1996, six délégués, dont Gunnhild qui a alors 50 ans, sont abattus dans leur sommeil par des hommes armés et masqués qui font irruption dans la résidence du CICR voisine de l’hôpital. Comme Gunnhild, quatre des délégués assassinés avaient été détachés auprès du CICR par leur Société nationale de la Croix-Rouge : Ingebjørg Foss, 42 ans, elle aussi infirmière de la Croix-Rouge de Norvège ; Hans Elkerbout, 47 ans, constructeur à la Croix-Rouge néerlandaise ; Nancy Malloy, 51 ans, administratrice médicale de la Croix-Rouge canadienne ; et Sheryl Thayer, 40 ans, infirmière de la Croix-Rouge néo-zélandaise. La sixième victime, l’infirmière-cheffe Fernanda Calado, 49 ans, de nationalité espagnole, travaillait pour le CICR depuis de nombreuses années. Un autre délégué, le Suisse Christophe Hensch, responsable du bureau du CICR à Novy Atagi, est blessé mais survit.

 

Jean de Courten, directeur des opérations du CICR, qualifie l’attaque d’« assassinat délibéré » et « lâche ». Après la tragédie, le CICR évacue ses 14 autres délégués de Novy Atagi à Naltchik, tandis que le personnel médical local continue à soigner les patients de l’hôpital. Dans l’hommage qu’il prononce pendant une cérémonie commémorative à la cathédrale Saint-Pierre de Genève quelques jours après l’attaque, le président du CICR, Cornelio Sommaruga, s’exprime en ces termes : « Ces six personnes étaient animées par un idéal de solidarité envers les victimes du conflit tchétchène. Elles remplissaient avec un enthousiasme exemplaire la mission originelle de la Croix-Rouge – secourir les blessés –, et elles accomplissaient leur tâche dans le même esprit que les femmes de Solférino : “Tutti fratelli” [Nous sommes tous frères]. »

 

Gunnhild était une mère, grand-mère et infirmière aimante, qui passait sa vie à donner. Animée par une générosité à toute épreuve, elle partageait son temps, son savoir, son amitié et sa bonté naturelle avec tous ceux qui en avaient besoin. Elle était d’un dévouement inconditionnel et sans bornes.

Le CICR en
Russie, 1996

Pour le CICR, comme pour d’autres organisations internationales humanitaires actives dans le Nord-Caucase, l’année 1996 est marquée par de nombreux problèmes de sécurité. Toutefois, rien ne laisse présager la tragédie qui va frapper l’institution : dans la nuit du 16 au 17 décembre, quatre mois après la conclusion d’un cessez-le-feu entre les Russes et les Tchétchènes, six délégués qui travaillent à l’hôpital de campagne de Novy Atagi, dont Gunnhild, sont assassinés de sang-froid.

 

L’année a débuté par une reprise des combats en Tchétchénie entre les troupes fédérales russes et les séparatistes tchétchènes, obligeant les civils à fuir par vagues successives vers les républiques voisines. Ceux qui ne fuient pas se retrouvent bloqués chez eux pendant des semaines par des bombardements continus. En mai, sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), des représentants du gouvernement fédéral russe, du gouvernement tchétchène et des séparatistes se rencontrent à Moscou et signent un accord préliminaire de cessez-le-feu. La tension ne tarde toutefois pas à monter une fois de plus pour aboutir, en juillet, à une offensive de grande envergure des forces fédérales. Pendant trois semaines, les villages du sud de la Tchétchénie subissent de violentes attaques, tandis qu’à Grozny des cibles militaires et des structures civiles essuient des tirs presque incessants. Le 6 août, les forces séparatistes lancent une attaque contre Grozny et prennent le contrôle de la ville après deux semaines de combats acharnés. Les forces fédérales lancent un ultimatum annonçant leur intention de donner l’assaut à la capitale, à moins que les séparatistes ne se retirent. Environ 200 000 civils fuient la ville.

 

Le conflit a des effets catastrophiques sur les services publics dans de nombreuses localités, laissant la population pendant de longues périodes sans eau potable, ni électricité ni assainissement adéquat. Comme l’année précédente, les habitants de certains secteurs de Grozny dépendent entièrement du CICR pour leur approvisionnement en eau. Tous les hôpitaux de la ville ont été détruits ou gravement endommagés au cours des combats, d’où la décision du CICR d’ouvrir un hôpital de campagne à Novy Atagi.

 

En partie grâce aux efforts diplomatiques de la communauté internationale, les négociations reprennent et aboutissent à un cessez-le-feu conclu à Novy Atagi le 22 août. Le 31 août, les parties signent à Khassaviourt, au Daghestan, un accord prévoyant le retrait des troupes fédérales, le règlement de la question du statut de la république de Tchétchénie dans les cinq ans, et la création d’une commission conjointe de mise en application de l’accord. Si des divergences persistent, les combats, eux, cessent. En novembre, le président russe décrète le retrait de toutes les troupes fédérales, ouvrant ainsi la voie à la tenue d’élections en Tchétchénie au début de l’année suivante.

 

Tout au long de l’année, la sécurité reste une préoccupation majeure pour le CICR, que la dangerosité de la situation amène à réduire sa présence et à renforcer ses mesures de sécurité. En juillet, à la suite d’un énième incident, le délégué général, accompagné du chef de la délégation de Moscou et du chef de la mission du CICR dans le Nord-Caucase, a une entrevue avec le ministre russe de l’Intérieur à Moscou. L’objectif est d’obtenir son appui afin d’éviter de nouveaux incidents à l’avenir. En octobre, le délégué général nouvellement nommé rencontre le président de la république de Tchétchénie à Novy Atagi. Les problèmes de sécurité sont une fois de plus à l’ordre du jour de la réunion. De nouveaux incidents visant des employés du CICR et d’autres organisations se produisent en novembre, essentiellement des actes de banditisme. Des mesures de sécurité supplémentaires sont mises en place, mais en vain. Les assassinats du 17 décembre contraignent le CICR à suspendre

tous les programmes nécessitant la présence de personnel international en Tchétchénie ; seules quelques activités se poursuivent, menées par les comités locaux de la Croix-Rouge et le ministère de la Santé.

 

1996 est une année particulièrement tragique pour le CICR. Quelques mois plus tôt, une attaque brutale à Mugina, au Burundi, avait déjà coûté la vie à trois délégués – Cédric Martin, Reto Neuenschwander et Juan Ruffino.

Souvenirs

Novye Atagi - December 1996 - From Left to right • Gunnhild Myklebust - Charlotte Dong Jensen - Fernanda Calado - Heidrun Zimmerman
1 mai 2023
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