En 1991, la Somalie, déjà ravagée par des années de conflit intérieur dans le nord-ouest, est embrasée par une nouvelle flambée de violence extrême. Les combats opposant les forces gouvernementales à plusieurs mouvements d’opposition alliés, qui ont gagné la capitale en décembre 1990, aboutissent en janvier au renversement du président Siad Barre, sans pour autant que cessent les affrontements entre factions rivales dans le centre et le sud du pays. Le manque de discipline des combattants et l’absence totale de respect des règles de la guerre les plus élémentaires pèsent lourdement sur la population civile : les morts se comptent par dizaines de milliers, tandis que des centaines de milliers de personnes sont déplacées ou deviennent des réfugiés. La mission du CICR dans le pays est rendue extrêmement délicate par l’instabilité et la violence chroniques, et l’organisation se voit contrainte à plusieurs reprises de retirer ses équipes pour assurer leur sécurité. Au début du mois de janvier, tandis que les combats font rage à Mogadiscio, le personnel expatrié et les employés locaux sont évacués vers Djibouti. Ce n’est qu’à la fin du mois de février qu’ils pourront regagner la capitale.
Les combats interrompent totalement les services postaux et téléphoniques. Le CICR met alors sur pied un réseau pour permettre l’échange de messages entre les membres des familles séparées et pour retrouver les disparus. Dix bureaux sont ouverts sur le territoire somalien, plus un autre à Djibouti et deux dans des camps de réfugiés somaliens au Kenya. Le service couvre de nombreux autres pays accueillant des communautés somaliennes importantes, dont l’Arabie saoudite, le Canada, l’Italie, les pays scandinaves et le Royaume-Uni. Plus de 22 500 messages sont ainsi transmis en 1991, contre 1400 en 1990.
Malgré les difficultés considérables auxquelles il fait face, tout spécialement à Mogadiscio, le CICR continue à apporter son aide aux victimes civiles du conflit. À partir du mois de février, il organise des envois de secours réguliers entre les ports de Djibouti et de Mombasa (Kenya) et la côte somalienne. Au total, plus de 22 400 tonnes de vivres et d’autres formes d’assistance sont distribuées en Somalie en 1991. Au fur et à mesure de la détérioration de la situation, l’organisation des opérations de secours devient de plus en plus ardue. À certaines périodes, les navires ne peuvent pas approcher des côtes ; des semaines entières passent sans que les vivres ne puissent être déchargés ; les entrepôts sont constamment pillés, les véhicules sont volés, et divers problèmes surgissent après la distribution de l’aide. Dans ces circonstances, le CICR décide d’associer les autorités traditionnelles, autrement dit les chefs de clan, au processus de distribution. C’est alors qu’il participe à une discussion à ce sujet que Wim est attaqué.
Tout au long de l’année, des combats font rage dans l’une ou l’autre des régions du pays. Les hôpitaux de Mogadiscio, Berbera et Kismayo sont submergés par un afflux de blessés de guerre. À Mogadiscio, la capacité de l’hôpital Martini (qui est aussi le siège de la délégation du CICR) est portée de 100 à 200, puis à 300 lits. Après les combats féroces de novembre, qui divisent la capitale en secteurs nord et sud et qui font des dizaines de milliers de blessés, deux équipes chirurgicales détachées par les Sociétés de la Croix-Rouge de Finlande et des Pays-Bas travaillent de part et d’autre de la ligne de front. Elles doivent toutefois être retirées en décembre à cause des conditions de plus en plus dangereuses. En 1991, le CICR est la seule organisation humanitaire disposant d’équipes dans toutes les régions de la Somalie.