Kurt
Lustenberger
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Somalia

Nous nous souvenons de Kurt Lustenberger

Kurt Lustenberger voit le jour le 9 août 1961 à Sursee, une localité située à mi-chemin entre Zurich et Berne. Après y avoir effectué la première partie de sa scolarité, il intègre l’Institut catholique de Neuchâtel, où il obtient sa maturité en 1978 – avec le commerce et le français comme branches principales –, un diplôme qu’il complète par un certificat de l’Alliance française de Paris. De retour à Sursee, il entame un apprentissage d’employé de commerce dans une banque de la place.

 

En 1981, sa formation terminée, Kurt travaille trois mois pour l’entreprise Orell Füssli, à Zurich, avant d’entreprendre un voyage de sept mois en Asie. Il visite tour à tour la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et le Sri Lanka. De retour en Suisse, il trouve un poste de comptable chez Eni Chemicals à Kilchberg, près de Zurich, où il travaillera de novembre 1982 à octobre 1984. Il entame ensuite une formation en marketing de trois ans à l’École supérieure de cadres pour l’économie et l’administration de Fribourg. En 1987, son diplôme en poche, Kurt fait un bref passage chez Firestone, avant d’être embauché comme responsable de projet par l’institut Demoscope à Adligenswil, près de Lucerne, une entreprise spécialisée dans les enquêtes de marché et la recherche sociale. Après quatre ans de loyaux services, il ressent toutefois le besoin de passer à autre chose.

 

Lorsqu’il pose sa candidature pour travailler au CICR, en août 1992, Kurt est prêt à signer les yeux fermés. L’institution est pour lui l’occasion rêvée de réorienter sa carrière en se mettant au service de ses semblables tout en travaillant en équipe. À son entretien d’embauche, en octobre, alors que le CICR a déjà repéré son grand potentiel de leadership, il fait part de son intérêt à travailler comme administrateur, un poste qu’il imagine offrir une grande diversité de tâches.

 

En novembre de la même année, à l’issue d’un cours de formation pour futurs délégués de quelques semaines, il est envoyé pour sa première mission à Bardera, dans le sud-ouest de la Somalie, alors en proie à une guerre civile fratricide depuis deux décennies. Comme il le souhaitait, on lui confie un poste d’administrateur, dans lequel il ne tarde pas à se distinguer par son bon sens et son efficacité. Il est aussi tout de suite à l’aise dans son travail, et son naturel chaleureux le fait vite apprécier de toutes les personnes de son entourage. Dans une lettre qu’il écrit peu de temps après son arrivée en Somalie, Kurt explique qu’il fait enfin quelque chose qui a du sens pour lui.

 

Le soir du 14 janvier 1993, deux mois à peine après son entrée en fonction, Kurt dîne avec quatre autres collaborateurs du CICR dans la résidence de l’institution, lorsque trois hommes armés font soudainement irruption et exigent qu’on leur remette l’argent du coffre. Kurt s’exécute mais, alors qu’il s’apprête à ouvrir le coffre, un des hommes lui tire une balle à bout portant. Il est transféré d’urgence par hélicoptère à Mogadiscio, mais décède avant son arrivée à l’hôpital. Il avait 31 ans.

 

Kurt avait un jour pris la décision courageuse de renoncer à une carrière confortable en Suisse pour venir en aide aux personnes plongées dans la souffrance en raison d’un conflit armé. Dans un message adressé aux parents de Kurt, ses collègues de la délégation de Mogadiscio écriront : « Votre compréhension du choix qu’a fait Kurt de venir travailler à nos côtés nous donne la force de transformer l’émotion et la douleur dans lesquelles sa mort nous a plongés en une volonté renforcée de continuer à aller de l’avant dans notre mission. » En reconnaissance de son engagement, Kurt se verra décerner la médaille Henry Dunant à titre posthume.

Le CICR en
Somalia, 1993

Ancien protectorat britannique, la Somalie accède à l’indépendance en 1960. Moins d’une décennie plus tard, à la faveur d’un coup d’État, le général Siad Barre se hisse au pouvoir. La junte militaire qu’il dirige se range dans un premier temps du côté de l’Union soviétique, dans la guerre froide que se livrent l’URSS et les États-Unis. Ces bonnes relations avec Moscou cessent toutefois à la fin des années 1970, lorsque le pays perd la guerre de l’Ogaden qui l’oppose à l’Éthiopie, elle-même soutenue par l’Union soviétique. La défaite de la Somalie dans ce conflit entraîne la rébellion de différents clans, qui se soulèvent contre le gouvernement. S’ensuivent dix années de troubles politiques. Début 1991, le gouvernement de Barre est renversé par des groupes armés. La ruée vers le pouvoir qui en résulte se solde par l’éclatement d’une guerre civile entre les différentes factions liées aux nombreux clans que compte le pays. Les ravages considérables causés par le conflit dans les régions céréalières du pays engendrent une famine, qui vient aggraver encore les conséquences que cette guerre fait peser sur les civils.

 

Pour faire face à cette crise majeure, le CICR lance alors ce qui sera sa plus importante opération d’assistance depuis la Seconde Guerre mondiale. Au fil du temps, elle se révélera cependant insuffisante pour répondre aux besoins considérables de la population somalienne. L’action de l’institution se voit vite sérieusement entravée par le chaos généralisé et la grave détérioration de l’ordre public. La plupart des activités doivent ainsi être menées à partir des bureaux du CICR à Nairobi, au Kenya. Quant aux collaborateurs qui travaillent directement en Somalie, ils sont fréquemment l’objet de menaces et d’attaques. Rien qu’en l’espace d’une année, 14 employés locaux seront tués. Malgré cet environnement très défavorable, l’institution poursuit au mieux son action, grâce aux efforts inlassables consentis par des employés tels que Kurt.

 

En 1992, le CICR achemine chaque mois 20 000 tonnes de nourriture vers le pays, recourant pour ce faire à différentes formes de transport dont, pour la première fois, des bateaux et des barges. Il s’associe en outre avec le Croissant-Rouge de Somalie et des associations locales, notamment des cuisines communautaires, pour distribuer de la nourriture. Dans le cadre de son programme médical, il met en place des cliniques mobiles, établit des postes de santé dans des camps pour personnes déplacées, fournit des médicaments et du matériel médical à des hôpitaux et travaille à renforcer les infrastructures existantes. En avril de la même année, il met sur pied une équipe chirurgicale volante dont les résultats sont si encourageants qu’il en constitue une deuxième du même type en septembre. Par ailleurs, pour chercher à limiter l’impact de l’anarchie qui prévaut dans le pays, des équipes de l’institution s’activent pour mener à bien des programmes dans d’autres domaines tels que l’eau et l’assainissement, le soutien à l’agriculture et aux soins vétérinaires, la détention et les activités de protection, la sensibilisation aux règles du droit international humanitaire et le rétablissement des liens familiaux.

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