En 1994, le Cambodge peine encore à se remettre de l’explosion de violence qu’il avait subie à la fin des années 1970 et de ses conséquences. Le pays s’était libéré de la domination coloniale française en 1953, et ses dirigeants s’efforçaient de rester neutres dans les affaires de l’Asie du Sud-Est. Cette situation était compliquée par l’expansion de la guerre civile au Viêt Nam, dont les effets débordaient de plus en plus fréquemment la frontière avec le Cambodge. Une insurrection communiste avait conduit en 1967 à une guerre civile au Cambodge, que les rebelles connus sous le nom de Khmers rouges avaient remportée en battant les forces gouvernementales en avril 1975. Les quatre années qui avaient suivi, sous le régime des Khmers rouges, avaient été marquées par un génocide brutal au cours duquel près de deux millions de personnes avaient été tuées – soit environ un quart de la population du pays. Après le renversement du gouvernement khmer rouge par les forces vietnamiennes en janvier 1979, le groupe communiste avait réussi à garder le contrôle de certaines régions du nord et du nord-ouest du pays. Les combattants khmers rouges et les forces armées royales du Cambodge s’étaient livré des combats sporadiques tout au long des années 1980, exposant régulièrement des milliers de civils aux hostilités.
En février et avril 1994, l’armée cambodgienne lance des offensives importantes sur les bastions khmers rouges d’Anlong Veng (au nord) et de Pailin (au nord-ouest), mais les combattants rebelles reprennent rapidement les deux villes. D’autres affrontements ont lieu en mai et en août dans les provinces de Battambang et de Banteay Meanchey, faisant à nouveau de nombreuses victimes parmi les civils et poussant des milliers de personnes à fuir. Au début du mois de juillet, le gouvernement est également la cible d’une tentative de coup d’État militaire, qui échoue. Alors que la communauté internationale porte de moins en moins d’intérêt à la violence interne au Cambodge, le CICR poursuit son action dans le pays – sa tâche étant facilitée notamment par son dialogue permanent avec le Parti du Kampuchéa démocratique créé par les Khmers rouges. Ses équipes travaillent à partir de sa délégation principale à Phnom Penh, où est basé Sambath, ainsi que de deux sous-délégations et d’un bureau dans le nord-ouest du pays. Les délégués du CICR continuent à visiter des groupes de combattants khmers rouges capturés qui sont incarcérés dans des centres de détention relevant du ministère de l’Intérieur dans la capitale et dans les provinces. En 1994, le personnel du service de recherches du CICR chargé de retrouver la trace des personnes disparues au Cambodge parvient à résoudre un tiers des cas enregistrés – un résultat impressionnant ; il travaille également avec du personnel de la Croix-Rouge cambodgienne pour l’échange de messages Croix-Rouge entre les détenus et leurs familles, dont certaines vivent à l’étranger. Ses équipes fournissent par ailleurs du matériel médical à l’hôpital Mongkol Borei, dans la province de Banteay Meanchey, et dispensent des formations spécialisées aux équipes chirurgicales locales. En juillet, le dernier chirurgien du CICR quitte l’hôpital, mais deux infirmières de l’institution restent sur place. Les équipes du CICR ont achevé les projets d’approvisionnement en eau et d’assainissement entamés l’année précédente dans cinq lieux de détention de la capitale et treize en province ; elles ont également réparé le système d’approvisionnement en eau de l’hôpital militaire de Battambang. En raison notamment de la prolifération des mines terrestres dans le pays, le centre orthopédique du CICR à Battambang est fortement sollicité pour la fabrication de prothèses et l’appareillage de personnes amputées. En juin, l’institution ouvre ainsi un nouvel atelier orthopédique dans la capitale.