Michel Zufferey naît le 7 mars 1944 à Saint-Luc, un village perché dans les Alpes suisses. Il fréquente l’école primaire locale pendant plusieurs années et termine sa scolarité obligatoire à Sion, dans la vallée. Après ses études secondaires, il s’inscrit à l’Université de Lausanne, où il obtient une licence en sociologie en 1970. Fin 1971, il passe quelques mois au Royaume-Uni pour apprendre l’anglais.
Michel est né à la montagne, et la montagne fera partie de lui pendant toute sa vie. Mais c’est une relation complexe : Michel n’a que quatre ans lorsque son père, un alpiniste chevronné, meurt dans une tempête en revenant d’une difficile ascension du Cervin. La mort de son père ne décourage toutefois pas Michel, qui conserve sa passion pour la montagne : il obtient le diplôme de moniteur de ski en 1965 et, l’année suivante, il achève la formation extrêmement rigoureuse exigée pour être guide de montagne.
Lorsque Michel postule au CICR en 1972, son intention est d’exercer sa profession de guide l’été et de partir en mission l’hiver – un plan raisonnable étant donné les besoins de l’institution en personnel à l’époque. Sans jamais avoir de contrat permanent, Michel finira quand même par travailler pour le CICR presque sans interruption pendant une bonne dizaine d’années, hormis une pause de 18 mois en 1980-1981 où il retourne dans les Alpes afin de pouvoir conserver son brevet de guide de montagne.
La première affectation de Michel est au Bangladesh, d’octobre 1972 à septembre 1974. Il travaille essentiellement auprès de la population biharie, qui s’est installée dans des camps de fortune après que le pays est devenu indépendant du Pakistan en 1971. C’est la première fois qu’il est confronté aux séquelles d’une guerre, et il consacre son inépuisable énergie à obtenir des garanties du gouvernement pour la sécurité des Biharis, à s’assurer qu’ils reçoivent de la nourriture et d’autres types d’assistance, à rechercher les personnes disparues, à organiser des rapatriements et à aider les Biharis à s’intégrer par l’éducation et la formation. Michel se révèle être un travailleur acharné et doué d’une aptitude remarquable à établir des relations avec la population à laquelle il apporte de l’aide. Il prouve aussi qu’il peut travailler avec peu de supervision et dans des conditions très difficiles.
Après le Bangladesh, Michel est envoyé en Angola où, d’août 1975 à avril 1976, il participe aux activités de secours menées à la suite de la guerre d’indépendance du pays. Au cours de cette mission, Michel se distingue par son sang-froid – par exemple lorsque, dans une situation extrêmement tendue entre l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) et les forces portugaises, il négocie la libération de femmes, d’enfants et de personnes âgées qui avaient été faits prisonniers.
Son affectation suivante est Beyrouth, d’avril à août 1976. Il est chargé d’ouvrir une sous-délégation à Jounieh, juste au nord de la capitale libanaise. C’est la mission la plus difficile qui lui ait été confiée jusque-là, ne serait-ce que pour la persévérance dont il faut faire preuve pour évacuer les blessés du camp de réfugiés lourdement assiégé de Tell al-Zaatar, à la périphérie de Beyrouth. Michel en sort profondément marqué.
Après une pause de deux mois, il est envoyé d’octobre 1976 à février 1979 dans la péninsule du Sinaï, qui est alors sous contrôle israélien. Il passe une grande partie de son temps dans cette région avec la population bédouine. C’est une mission relativement solitaire, dans laquelle Michel excelle. Il est tenu en si haute estime par la communauté locale que, lorsque son affectation prend fin, un groupe de chefs bédouins approche le CICR pour lui demander de ne pas les priver de leur délégué.
Michel enchaîne avec une mission spéciale au Pakistan, où il dirige la délégation de Peshawar de février à novembre 1980 et où il gagne le respect tant des combattants afghans que des responsables gouvernementaux pakistanais. Vient ensuite pour Michel une pause de 18 mois au cours de laquelle il renouvelle son brevet de guide de montagne. Retournant au CICR en mai 1982, il effectue de nouveau une courte mission en tant que chef de délégation, cette fois-ci à Abéché, au Tchad. Pendant six mois, il travaille dur dans des conditions de vie pour le moins rudimentaires.
En janvier 1983, le CICR affecte Michel à la délégation de Khartoum, au Soudan. Celle-ci sert aussi de base pour le déploiement de services de secours dans la région éthiopienne du Tigré, l’Éthiopie étant enlisée dans la guerre civile et en proie à une terrible famine. Mobilisant le courage physique et la force morale qui le caractérisent, Michel se lance à corps perdu dans son travail et distribue vivres et fournitures médicales malgré le risque permanent d’attaques des forces gouvernementales sur les séparatistes tigréens. Le 5 janvier 1985, alors qu’il n’est en principe pas en zone dangereuse, Michel perd la vie dans un accident de voiture près de Wad Madani, au Soudan. Il avait 40 ans.
Michel était un alpiniste typique – solide, taciturne et modeste, mais en même temps généreux et prêt à se surpasser pour porter secours aux autres. En fin de compte, il aura passé peu de temps dans ses Alpes bien-aimées, car l’action humanitaire était devenue sa montagne et lui-même un de ses guides infatigables.